Rivière Espérance, La - 3 - L'âme de la vallée by Signol Christian

Rivière Espérance, La - 3 - L'âme de la vallée by Signol Christian

Auteur:Signol, Christian [Signol, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Terroir
ISBN: 9782221121498
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 1993-07-31T22:00:00+00:00


Après le froid et les glaces, la pluie avait fait son apparition à la mi-février. Une pluie lourde, têtue, inexorable, que la brume semblait nourrir de sa substance. Tout était gris depuis que la neige fondait : les pentes, le village, le ciel, la rivière, et Marie n’avait plus qu’une idée en tête : repartir, fuir, échapper à cette grisaille qui semblait avoir fait corps avec la terre pour toujours.

De trop basses, les eaux devinrent trop fortes, et il fallut patienter jusqu’au début du mois de mars. Le bûcheron blessé avait été ramené chez lui, près de Soursac, dix jours après l’accident. Durant son séjour chez les Donadieu, son frère n’était même pas revenu le voir. Marie, un moment, avait eu envie de suivre Benjamin sur le plateau que l’on apercevait si rarement au-dessus des forêts, puis elle y avait renoncé. À quoi bon ? Elle n’avait rien à apprendre de cette vie âpre, routinière, violente et silencieuse. Elle n’aspirait plus qu’à la lumière du soleil et au voyage.

Benjamin était d’avis d’embarquer, mais Jean était plus réticent : ces eaux fortes rendaient très dangereux les passages délicats. C’était aussi le sentiment des deux vieux gabariers que l’on était allé consulter. On attendit quelques jours de plus, au cours desquels la pluie s’arrêta à plusieurs reprises et la brume sembla vouloir se lever. Enfin le soleil parut, d’abord timidement, puis avec plus de force en milieu de journée. On était le 10 mars. Cela faisait presque trois mois que l’on ne naviguait plus et Marie rêvait aux aubes claires de Souillac, au pétillement de lumière du printemps, quand les éclosions réveillent la rivière du long sommeil de l’hiver. Rien de tel n’arriva, le matin où ils embarquèrent. En cette saison, le haut-pays demeurait clos sur lui-même jusqu’à la fin de la matinée.

Il avait été convenu que Benjamin ouvrirait la route. Marie le laissa prendre une centaine de mètres d’avance, puis son matelot de tribord poussa sur « l’aste », éloignant la gabare du ponton. Aussitôt Marie fit prendre du travers au bateau et s’apprêta à affronter le premier rapide, guidée par Émilien qui lui servait de prouvier. Elle ne sentit pas dès l’abord une différence de comportement de la gabare sur ces eaux anormalement fortes, mais un écart subit l’alerta dans les vagues de la roche de Ras : au lieu de passer en plein milieu du lit de la Dordogne, la gabare fut déviée vers la droite et frôla inexplicablement la berge rocheuse.

Elle redoubla d’attention, s’évertuant à bien observer la ligne suivie par Benjamin, là-bas, devant elle, à analyser les indications que lui donnait Émilien en se retournant. Elle aperçut à peine le monastère de La Valette dont elle n’aimait pas l’architecture noble mais sévère. Un peu plus loin, le rapide de la Roche Mâle lui donna la même désagréable impression que le premier : la gabare se déporta sur tribord sans qu’elle ait le temps de la contrôler. Passé le confluent de la Luzège, elle se sentit un peu plus rassurée.



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